Christian Le simple, un écrivain de la ruralité, des plaisirs simples et des gens sans fard

Romans de christian le simple

La vie est faite de rencontres, il y en a qui comptent et qui bouleversent totalement votre chemin. Ma rencontre avec Christian Le Simple est de celles-là. J’étais « pion » comme les élèves vous nomment ou « Assistant d’Éducation » dans sa version officielle, Christian était prof de Français, dans un collège de campagne, en Région Centre. Sympathique, drôle, faisant fi de ma caste (la vie scolaire) quand lui était côté enseignement. Ça ne semble pas extraordinaire comme ça, mais croyez moi de nombreux professeurs nous perçoivent comme les subalternes nécessaires pour faire régner l’ordre, mais pas assez érudits pour mériter que l’on discute avec. Et bien Christian est capable de discuter avec tout le monde, il est capable de voir ce qu’il y a de beau en chacun, voilà ce qui m’a le plus plu au début de notre rencontre. Ça et nos discussions cinéma, musique et littérature. Christian est un ogre de culture, il dévore tout ce qui peut l’intéresser. Et lire, c’est ce qui lui a donné envie d’écrire et c’est le sujet qui m’intéresse aujourd’hui. Christian Le Simple est écrivain et son œuvre, mérite de toucher un public plus large. Je n’ai pas la prétention de pouvoir l’aider beaucoup avec ce billet de blog, cependant ne rien faire, ce serait vous priver de le rencontrer vous aussi et ça… je comprendrais que vous puissiez m’en vouloir.

Mais qui est Christian Le Simple ?

Je ne saurais résumer qui il est en quelques lignes de biographie mais ça vous donnera une idée de son parcours et des ses choix, c’est déjà un début.

Christian Le Simple est né le 13 novembre 1954, à Chartres (France). Il y passe donc sa jeunesse et sa scolarité jusqu’au bac, partagé entre ville et campagne.

Après des études de Lettres Classiques, il exerce comme professeur de français latin et grec, puis comme conseiller dans la formation des enseignants, pendant une grande partie de sa carrière. Il choisit d’exercer en milieu rural, pour pouvoir concilier ses activités professionnelles, les chevaux, la musique… et l’écriture.

Musicien « classique » amateur (piano, clavecin) puis tuba dans une fanfare de rues, percussionniste dans un groupe de musique irlandaise et dans un groupe de chants de marins, ce sont d’abord les livres et la littérature qui occupent sa vie.

Passé à l’écriture, il a rendu publics trois romans à ce jour, Amédée, dangereuse plongée dans les secrets d’une famille rurale, Cadastre Exquis, tribulations de deux petites filles, rescapées provisoires de la rafle du Veld’hiv, et enfin La Première Fois que j’ai mangé des huîtres, road movie croisé d’un papi qui fait 300km à mobylette pour aller enterrer sa mère, et d’un jeune paumé à pied qui court après la copine qui l’a largué.

Les hasards de la vie lui ont apporté la jouissance d’une petite forêt. Ce qui lui donne le bonheur d’avoir à gérer cet espace et donc d’y passer beaucoup de temps.

Présentation de ses livres publiés

A ce jour, il y a trois livres de Christian Le Simple publiés, en voici les résumés et un extrait pour chaque. Je ne saurai dire si les extraits que j’ai choisis sont fidèles à l’atmosphère de chaque livre mais vous y verrez assurément un ton, des dialogues qui permettent au lecteur d’imaginer sans peine qui sont ces personnages. Christian Le Simple, sans artifices arrive à leur donner corps dans la façon dont ils s’expriment, dans leurs actions. Des personnages qui doivent lui être chers, ruraux, simples et au franc parler.

La Première Fois que j’ai mangé des huîtres

La première fois que j'ai mangé des huîtres - Christian Le Simple

Pitch : Un petit vieux, qui ne se déplace plus que sur une vieille mobylette, part un soir de fin d’automne pour enterrer sa mère à Cancale, à 280 kilomètres. Il croise en chemin un jeune gars sans boulot qui se lance en stop, c’est-à-dire à pied, à la recherche de sa copine, de sa voiture, de sa carte bleue et d’une partie de ses illusions, qui ont disparu en même temps.

Un extrait :

Et les camions, tiens ! Y a ceux qui savent, oui, et qui prennent des précautions en te doublant… Et puis t’as tous les autres. Que déjà t’as l’impression qu’ils n’en finiront jamais de passer, et que t’as des roues qui te frôlent, et que t’as encore des roues qui t’arrivent dessus… Les roues elles sont presque aussi hautes que toi sur ta mobylette, déjà ! Et puis quand c’est fini, que tu retrouves le jour et que tu peux recommencer à respirer, t’es pris dans un courant d’air qui t’attrape et qui te tortille à te flanquer le mal de mer. T’es cramponné à ton guidon comme tu peux, comme à un gouvernail, et t’as toutes les giclures qui t’arrivent dans la figure, par-dessus le marché. Et question bol d’air, c’est pas la haute mer, j’peux t’dire !

La Première Fois que j’ai mangé des huîtres est publié aux éditions Vérone.

Amédée

Amédée - Christian Le Simple

Pitch :  Il est arrivé à pied, avec pour seul bagage une binette sur le dos. En seulement quelques années il devient propriétaire d’une des plus grosses fermes de la région. Homme respecté de tous, Amédée est une légende vivante, mais derrière son charisme se cache un mystère diffus : voisins, famille, personne n’a jamais rien su de ses origines. Un petit fils poussé par un besoin crucial de savoir remonte peu à peu sur sa trace.

Un extrait :

Il n’y eut donc pas excès de pleurs au cimetière, si l’on ne compte pas les faux sanglots, appliqués, de la descendance, qui ne trompèrent personne. Seule la vieille Hortense, restée chez elle, versa quelques larmes discrètes. Elle ne se montra pas à la cérémonie où elle savait que la famille ne l’aurait pas trouvée bienvenue. Et seul, sous sa pierre, le mort fit la grimace de n’avoir pas pu imposer au monde ce dernier pied-de-nez. Eh ben tu vois ma pauvre Hortense, tu te plaignais que la soupe était refroidie, et t’avais même pas vu que je l’étais plus qu’elle ! Mais t’en fais pas, va, ma bonne, c’est bien toi qui m’as fait le plus chaud et le plus longtemps ! Et c’est bien toi que je regrette le plus, maintenant que je suis glacé pour un bon bout de temps, là, sous ma dalle. Déjà qu’elle me réconforte guère, celle-là, la dernière que je vais avoir sous les yeux, mais tu as vu, en plus, ce qu’ils ont fait marquer dessus ? « A notre père bien aimé » ! C’est la seule pierre sur laquelle je les ai laissé mettre la main et il a fallu qu’ils y collent un mensonge ! Remarque, leurs mensonges, il y en a déjà eu un tas, et ça m’a jamais beaucoup remué, alors c’est pas le dernier qui va m’empêcher de dormir là où je suis rendu ! N’empêche que je regrette que tu sois pas là, ma pauvre vieille, tu y avais mieux ta place que les autres. Mais t’en fais pas, va, tes trois larmes je les entends mieux que tous leurs reniflements hypocrites, et je les trouve bien belles, tu vois. Je voulais te dire aussi, je sais bien que tu vas pas pouvoir t’empêcher de venir me mettre des fleurs sur les pieds. Alors s’il te plaît, pas des trop grosses, et puis pas sur les pieds ! Tu sais bien qu’avec mon arthrose j’avais déjà du mal à tourner la tête, mais maintenant c’est fini, je suis définitivement obligé de regarder devant moi. Alors laisse les sur le côté que je puisse continuer à regarder le soleil se coucher.

Cadastre exquis

Cadastre exquis - Christian Le Simple

Pitch : Un chemin, en campagne, aujourd’hui labouré par un fermier, et dont toutes les traces ont été gommées. Un simple lieu de passage, irrégulier, qui appartient à la commune et dont certains membres du conseil municipal réclament le rétablissement à celui qui l’exploite indûment. Une voie autour de laquelle se cristallise une histoire qui nous ramène aux heures sombres du village.

Un extrait :

C’est comme à la messe, tiens ! Sous prétexte que c’est dans une église, les p’tites vieilles, elles chantent à en faire roupiller l’Bon Dieu ! L’Jésus, s’il a la tête qui penche, c’est parce qu’il s’endort ! Elles vont finir par le faire dégringoler d’sa croix ! Les anciens combattants, ici, c’est pareil ! Sous prétexte que c’est une cérémonie pour les morts, y’s’croient obligés d’gazer tout l’monde avec leurs histoires catastrophiques que j’pourrais leur réciter par cœur d’une année sur l’autre ! Bon sang, les copains qui sont morts, j’espère qu’ils rigolent plus que ça là-d’sous ! Si on les rappelle devant l’monument aux morts, c’est quand même pas pour les faire chier comme ça ! Alors toi, m’fais pas chier non plus.

Le Chevalier à la mobylette bleue

Son prochain roman Le Chevalier à la mobylette bleue sortira en 2024 aux éditions Spinelle.

Pitch : La vie se déroule tranquillement, dans ce petit village, au rythme des commentaires naïfs ou insolents de son vieux cantonnier, Narcisse. Sur la falaise qui surplombe le bourg, un projet de boite de nuit très controversé tente de s’imposer. Mais tout se complique brutalement…

Parallèlement, une société d’archéologie s’efforce de mettre au jour un site tout proche daté de l’an Mil, et de retracer la vie de ses anciens habitants.

Mille ans séparent ces deux histoires, et pourtant…

L’interview de Christian Le Simple

La genèse d’un roman

Comment écris tu ? Tu pars d’une idée, un scénario que tu développes ? tu pars de personnages à qui tu inventes une histoire ou est-ce que l’histoire s’articule autour d’un message que tu voudrais transmettre ?

Dans le dernier roman, « La Première fois que j’ai mangé des huîtres », je suis parti de l’histoire vraie d’un petit bonhomme qui est effectivement parti d’à côté de Châteaudun en mobylette pour aller enterrer sa mère à Cancale. Et certaines péripéties ont été réellement vécues et m’ont été racontées (ex la soupe offerte en fin de nuit à la maison de retraite de Bellême) par un collègue. Parallèlement j’avais pris en stop, à peu près à la même époque, un jeune gars qui au milieu de la nuit allait à la recherche de sa copine qui s’était barrée avec à peu près tout ce qui traînait dans la caravane qui leur servait de foyer. Pour construire le récit je suis parti du point de départ : la mort de la mère, à Cancale. Et puis j’ai enchaîné en faisant en sorte que les deux histoires puissent se mélanger et ne faire plus qu’une. Pour ce qui est du « message », non : je ne pars jamais d’un message à délivrer (Qui suis je pour prétendre avoir un message à faire passer ?). Je pars de situations, de gens, de paysages, de décors… et là dessus passe éventuellement un message (j’ai des opinions, mais elles ne sont jamais mon moteur littéraire), comme la réflexion sur la guerre et la paix dans le monde occidental contemporain (actualités radiophoniques rapprochant les guerres de Yougoslavie et les guerres de Tchétchénie, et leur traitement par nos pays occidentaux, au moment où nous connaissons la guerre d’Ukraine), dans « La Première Fois »… comme la destruction des haies,  paysage qui nous est cher avec les conséquences écologiques que nous connaissons. Mais je fuis comme la peste tout discours idéologique : je préfère, si l’occasion se présente, montrer simplement des situations qui vont impliquer une réflexion du lecteur, et après, à chacun de se faire son opinion.

Le processus de création

Est-ce que tu écris d’abord une grande trame, puis tu développes chaque partie, tu scindes, tu articules, tu organises ? Ou tu te laisses porter par le récit ?

Difficile de répondre à ça : dans le cas de « La Première Fois », C’est un peu des deux. A partir du moment où je racontais l’histoire de mon petit bonhomme, la trame était tracée d’avance : il va à Cancale enterrer sa mère. Après, je me suis laissé guider par le récit : une idée, une situation en entraîne une autre, et le récit peut quasiment sinon s’écrire, du moins se construire tout seul. Dans le cas de « Amédée », j’ai construit une trame, une progression du récit à l’avance, avant de commencer à écrire vraiment. Dans le cas de S(aint) D(iabolique) ou F(acétieux), j’ai listé à l’avance des situations que je voulais évoquer (l’incendie de la forêt de Paimpont en 1990 par exemple), j’avais la fin : le meurtre d’un sdf par des vigiles d’une grande surface lyonnaise je crois, par « asphyxie mécanique » (comme le Christ !). Et entre les deux, le récit s’est là aussi construit un peu tout seul, par progression logique de ce que je venais d’écrire.

Pourquoi écrire ?

Est-ce un besoin, une envie ? Tu as été professeur, tu as donc certainement une envie de transmission, est ce qu’elle se retrouve dans l’écriture ? Qu’est ce qui motive à écrire une histoire ?

Répondre à ça, c’est beaucoup plus simple, et ça tient en deux mots : j’aime lire. Au sens fort. J’écris donc parce que j’aime lire, et que j’ai envie de lire et de faire lire aux autres ce que j’aime lire. Chaque fois que je lis un livre qui me passionne (construction du récit, style… Pas l’histoire, Pas le thème, Pas les personnages : ça c’est autre chose, et c’est plus personnel), j’ai envie d’écrire. Histoire de retrouver des sensations, des émotions, une aventure de lecture et de la/les partager. Rien à voir avec l’enseignement. Sauf peut être un point, finalement : « donner à construire« .

Peux-tu nous dire les thèmes qui te sont chers et pourquoi ?

Je ne sais pas répondre à ça. Je ne vois pas de thème a priori qui me soit plus cher que d’autres. Sauf deux points : je ne me vois pas écrire sur autre chose que ce que je connais (et que j’ai envie de faire connaître ou plutôt de faire partager), c’est à dire, en grande partie, la ruralité : c’est le fond de Amédée, mais aussi de Cadastre exquis, aussi bien que de La Première Fois. C’est le fond de S(aint) D(iabolique) ou F(acétieux), et c’est aussi le fond de Echos troubles, comme de tous les autres. Parallèlement à ça, ce qui me donne aussi envie d’écrire et qui me fait écrire, c’est : LES GENS. J’aime LES GENS, et j’ai envie de les montrer (de montrer ce que j’en vois plus exactement), de les faire vivre.

La publication

Trouver un éditeur est très complexe. Tu as choisi d’éditer tes livres à compte d’auteur. Peux-tu nous expliquer :

  1. Le besoin de publication
  2. Les difficultés à trouver un éditeur
  3. Pourquoi avoir choisi Verone ?

Je n’ai pas du tout choisi d’éditer à compte d’auteur. J’ai contacté d’abord tous les éditeurs traditionnels que je pensais pouvoir être intéressés par mon travail (Gallimard, le Seuil, tous les grands, quoi…) et j’ai reçu masse de courriers tous plus agréables les uns que les autres, mais revenant quand même tous au même point : « votre ouvrage est très intéressant, mais malgré ses qualités évidentes, nous ne pouvons envisager sa publication pour X raisons (qui elles pouvaient varier). Nous vous souhaitons bonne chance ». L’édition à compte d’auteur (ou quelle que soit la dénomination choisie, qui a toujours pour but de gommer en partie ce que « compte d’auteur » peut avoir de désobligeant) m’ a été imposée. Je n’ai pas pu faire autrement. Pour le besoin de publication, quand j’ai commencé à écrire (Amédée), je le faisais vraiment pour moi, pour le plaisir d’écrire, et je croyais bien que c’était là l’essentiel. J’ai contacté des éditeurs par principe, parce que, puisque c’était écrit, autant que ce soit publié, sans me dire que c’était vital. J’ai été refusé un certain nombre de fois et j’ai continué à écrire toujours pour moi, toujours pour le plaisir d’écrire. Et puis à force de recevoir des baffes, j’ai commencé à me dire que je n’aimais pas ça et que finalement ce n’était pas pour ça que j’écrivais, bien sûr, mais que être édité ça devait quand même être important puisque ne pas l’être me déplaisait autant. Vérone, c’est très particulier. J’ai cherché des éditeurs traditionnels pour La Première Fois (des grands évidemment, comme toujours, Gallimard etc), avec le succès que j’avais déjà connu. Et j’ai laissé tomber pendant un bon moment. Et puis j’ai eu envie de le ressortir de mes tiroirs. Et j’ai cherché de plus petites maisons. Comme l’histoire se termine à (et tourne un peu autour de) Cancale, j’ai cherché de ce côté-là. Et une amie de Saint Malo avec qui je partage la passion des chants de marin et des vieux gréements (horrible expression, repoussée par tous les amateurs) à qui je posais la question m’a dit qu’il y avait une maison d’édition à Cancale : c’était Vérone, qui a fait le job de façon tout à fait professionnelle et que j’en remercie. C’était une maison à compte d’auteur, en gros, même si elle préfère s’appeler différemment, elle n’a rien de Cancalaise, en fait, mais ça l’a fait. Et le bouquin est sorti, ce qui me fait bien plaisir.

Où acheter les livres

Il est possible d’acheter les livres de Christian Le Simple sur ces sites :

Add a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *